La campagne présidentielle actuelle est (très) inédite mais aussi inégale. La cause est à trouver dans la différence médiatique et institutionnelle entre le candidat président et les autres candidats en raison du contexte international de guerre en Europe. Si la France n’est pas en guerre déclarée, elle préside une Union européenne qui est de fait au cœur de toutes les actions et décisions internationales liées à ce conflit entre la Russie et l’Ukraine. La récente présentation du projet du candidat président Emmanuel Macron a néanmoins été un moment de propositions politiques sur lesquelles il faut s’attarder.

   La première observation que l’on peut faire est l’absence d’orientations idéologiques précises et la reprise d’un triptyque : protection / émancipation / libéralisation. Il s’agit là de la reprise de nombreux volets de propositions d’Emmanuel Macron de la campagne de 201, mais également en partie d’idées très « sarkozystes ».

    La deuxième observation, c’est la densité d’un discours fleuve qui dans le format d’une conférence de presse donnait malgré tout à l’ensemble de la présentation une coloration plus présidentielle que de candidature. Cette prestation accentue encore plus le décalage entre les candidats et le président candidat. Une problématique que saisit le mouvement émergent sur les réseaux sociaux qui dénonce l’absence de débat et l’exige, et qui selon nous pose au cœur du débat public l’urgence de la résolution de cette lacune de la V e République. La tradition veut en effet que les présidents qui se représentent ne sont juridiquement pas tenu de se soumettre à un débat du premier tour. D’ailleurs aucun candidat ne l’est en fait. Le débat du second tour auquel ont tous participé les présidents sortants n’est nullement une obligation constitutionnelle également. Mais la confrontation des idées restent un impératif politique et démocratique qui mérite une meilleure institutionnalisation des débats entre les candidats à la présidence de la République. Le projet présidentiel présente par ailleurs une hiérarchie des propositions. Emmanuel Macron met en priorité comme axe de sa politique s’il est réélu l’indépendance économique et technologique de la France, le pouvoir d’achat, le travail et la sécurité.

   La dernière observation que nous évoquerons est l’absence de présentation nationale d’un volet consacré aux Outre-mers et qui sera plutôt réservé à une présentation directe aux territoires concernés. Cette absence doit nous interpeller sur la place qui est désormais celle de la Guadeloupe et des autres terres françaises situées dans le monde. Tout porte à croire que la marginalisation et l’isolement des Outre-mers de la collectivité nationale et de son avenir, se prolongent et s’étendent dans le cadre d’une distanciation politique entre nos élus et le pouvoir central. Précisons que la plupart des autres candidats ont adopté la même démarche. Cette méthode explique paradoxalement le positionnement des partisans d’Emmanuel Macron en Guadeloupe, au premier rang desquels il y a le nouveau président du département et président du GUSR Guy Losbar.

   Dans une récente interview radio, Guy Losbar a mis en avant le fait que le choix de soutenir la candidature du président de la République était lié à la poursuite des objectifs présentés au gouvernement et à la méthode commune de contractualisation des relations entre les collectivités majeures d’une part et entre ces collectivités et l’État d’autre part. De fait le succès des politiques publiques tant dans leur conception que dans leur réalisation dépend largement de l’engagement politique de nos exécutifs locaux aux côtés du candidat président.

   En dépit de plusieurs désaccords et certainement déceptions de ces derniers lors des récents évènements sociaux en Guadeloupe, Emmanuel Macron reste pour eux manifestement le seul interlocuteur national offrant politiquement suffisamment de garanties pour que leur parole soit entendue et ait un impact concret en termes de réalisation présentes et futures. À la lueur des évènements en Corse, où l’on voit réapparaître le spectre de l’autonomie, on imagine qu’il y a aussi une carte à jouer pour faire avancer le dossier institutionnel (voire statutaire) selon le plan établi par les éminences grises du GUSR.

    Le président du département, véritable homme fort de l’échiquier politique guadeloupéen, multiplie les déplacements et les engagements financiers auprès des acteurs publics et des forces vives du pays et sait que l’offre politique nationale est désormais trop faible à gauche ou à droite, pour soutenir au sein du parlement et des réseaux politiques et économiques nationaux son action et celle du président de région Ary Chalus. Il suffit d’ailleurs de mesurer la place réduite à peau de chagrin qu’occupe le parti socialiste et sa candidate Anne Hidalgo dans la course présidentielle ou encore la place de la droite menée par Valérie Pécresse et qui en est réduit sur la politique ultra-marine à une pathétique polémique d’égos de personnalités publiques entre Babette de Rozières et Patrick Karam ; pour comprendre que le choix des présidents de département et de région en Guadeloupe est un choix de raison, probablement fait à défaut, et dont ils assument visiblement le risque et espère le gain politique à moyen terme.

Didier Destouches