Jocelyn Sapotille signe avec sa victoire à l’élection municipale partielle de Lamentin saluée aussi bien par Péyi Gwadloup que par la Fédération locale du parti socialiste et le GPS, un succès qui va au-delà du seul et simple terrain municipal. Avec cette réussite (que n’a guère entravé le GUSR), il incarne de fait un nouvel espoir pour les militants ou transfuges socialistes en Guadeloupe.

   C’est en fait un long parcours atypique et subtil qui constitue la genèse de son ascension politique. Jocelyn Sapotille est un homme politique expérimenté et rusé qui a su conjuguer opportunité et patience, et tirer profit même des coups de trafalgar politiques qui ont parsemé son cheminement dans notre vie publique. Ce parcours illustre également la grande diversité des dynamiques politiques locales et leur impact au gré des évènements de l’actualité politico-judiciaire sur les carrières et sur les antagonismes de l’échiquier politique guadeloupéen. En 2010, Jocelyn Sapotille est un cadre de la fédération locale du parti socialiste et il est élu conseiller régional de la liste de Victorin Lurel, avant d’être nommé en tant que vice-président et pendant quelque temps représentant par intérim du président de la région Guadeloupe, président de l’organisation des RUP (régions ultra périphériques de l’Europe). Une fonction éminemment prestigieuse et importante pour le développement, voire le devenir des régions ultra-marines qu’il va utiliser médiatiquement avec une certaine dextérité.

   Cette nomination montrait à quel point Jocelyn Sapotille avait su en un temps record se rendre indispensable et surtout efficace. Candidat malheureux contre José Toribio aux élections municipales puis cantonales, il avait réussi à gravir les échelons de la vie politique locale sans partir d’un fief local et d’un ancrage solide à la tête d’un exécutif communal grâce à quelques bons choix stratégiques. D’abord il avait su devenir un véritable bras droit pour l’ex président de région en affichant une loyauté à toute épreuve à celui-ci et parfois même en allant au cœur de la bataille pour son leader, comme dans les débats houleux avec les ténors de Guadeloupe Unie sur des sujets relatifs à l’évolution institutionnelle ou encore au projet de société guadeloupéen qu’il jugeait d’emblée inutile et devant être le travail des partis politiques et pas du celui de la population. Ensuite il s’était montré particulièrement actif et combattif lors de la campagne présidentielle de François Hollande, et malgré quelques couacs, il s’était imposé comme le meilleur communiquant local de l’ex président de la République. Jocelyn Sapotille était alors installé confortablement au conseil régional en tant que vice-président où il avait la charge des sports. Un pôle stratégique pour occuper le terrain et marquer de nombreux points, surtout dans le match médiatique pour l’influence de l’opinion publique.

Jocelyn Sapotille

   Jocelyn Sapotille était donc incontournable dès 2012 et une révélation de la scène politique guadeloupéenne, lui qui était naguère militant nationaliste était désormais, à l’instar de Dominique Théophile ou Olivier Serva, l’un des jeunes ténors du socialisme en Guadeloupe, et plus que jamais l’homme de confiance en Guadeloupe du ministre Victorin Lurel. L’homme savait cependant que pour durer en politique, il fallait s’imposer ici comme ailleurs, comme un baron local. C’est donc encore et toujours Lamentin qui allait mobiliser l’attention et l’énergie de l’élu socialiste.

   En 2015, Jocelyn Sapotille ne fait pas partie de l’attelage renouvelé de la liste du candidat Lurel à sa réélection et il est donc épargné par la chute de la maison Lurel aux élections régionales qui marquent le début de l’ère Chalus et celle de l’ascension du GUSR. Devenu enfin maire en 2014 de la commune de Lamentin puis président de la communauté du Nord-Basse-Terre, Jocelyn Sapotille va jouer une carte de proximité et de travail sur le terrain qui va l’éloigner du match régional Lurel/Chalus tout en le maintenant dans une éternelle position d’outsider. Cette longue prise de distance avec les socialistes guadeloupéens en progressif déclin va aller jusqu’à son départ soigné de la Fédé., après la crise qu’elle a connu avec les déclarations de l’ancienne présidente du département Borel Lincertin.

    Jocelyn Sapotille est élu conseiller départemental en 2021 et s’impose d’emblée comme le patron du groupe d’opposition nouvellement formé : le GPS. C’est fort de cette position, qu’il subit une annulation du scrutin municipal de 2020 et des accusations d’irrégularités électorales. En tant que maire en fonction, il va dans la foulée devenir un dynamique et médiatique président de l’association des maires qui va sous son magistère occuper une place centrale dans le déroulement du bras de fer entre syndicats et élus locaux. Jocelyn Sapotille dénote alors et se démarque par des positions claires et fermes en faveur de la vaccination et contre les violences verbales et physiques observées pendant cette période.

   Il bénéficie au final, grâce à l’annulation de l’élection de 2020, puis à son élection triomphante de dimanche dernier ; d’une nouvelle mise en lumière et d’une nouvelle dynamique dans le jeu politique guadeloupéen où il est tacitement mais aussi ouvertement considéré comme le nouveau leader politique de l’alternance possible à la domination du GUSR et de son président Guy Losbar en Guadeloupe. Une place qui devrait l’amener stratégiquement à redevenir président de l’association des maires et à occuper une pôle position dans la reconquête socialiste du pouvoir régional et départemental ; en profitant d’une forte dynamique en sa faveur, tant en terme de popularité que de ralliements politiques.

Didier Destouches